Equipes nationales d'alpinisme
Cursus type
Les 2 équipes (ENAM et ENAF) fonctionnent selon le même schéma : après un test de sélection, les promotions durent 3 ans.
Les 2 premières années sont composées de stages axés sur les différentes techniques de l’alpinisme (fondamentaux, artif, grandes voies rocheuses en terrain d’aventure, mixte et cascade de glace, alpinisme estival et hivernal, grandes courses, voyage à thèmes…). La 3ème année est consacrée à la préparation et à la réalisation d’une expédition dans un massif étranger.
Le test de sélection
Il se déroule généralement à Chamonix à la fin de l’année où se déroulent les expéditions des promotions en cours.
Qui peut se présenter ?
ENAM : garçons de 18 à 26 ans ayant déjà une bonne expérience en alpinisme et un niveau d’escalade minimum de 6c/7a.
ENAF : filles de 18 à 30 ans ayant déjà fait quelques courses en alpinisme et un niveau d’escalade minimum de 6a /6b.
Comment ça marche ?
2 types d’épreuves :
- Un entretien portant sur l’expérience en alpinisme, la motivation, l’état d’esprit…
- Des épreuves techniques variées : escalade (en chaussons / en grosses), glace, dry, artif, course à pied en montagne…
A l’issue du test, les 6 meilleurs garçons et les 6 meilleures filles sont sélectionnés.
Les stages
Il y a 3 à 5 stages par an.
La première année est plutôt axée sur le rocher et la deuxième plutôt sur la neige, glace et mixte.
Fondamentaux : 3 jours – Chamonix
Révision et mise à niveau des principales techniques de sécurité (sauvetage crevasse, encordement, assurage en mouvement, orientation…), recherche bibilographique pour les futurs stages et le projet d’expédition, introduction à la préparation mentale et physique. |
Escalade artificielle : 4 à 5 jours – Bauges, Chartreuse, Vercors, Verdon…
Traditionnellement placé en début de cursus, ce stage permet de revoir la plupart des manœuvres de corde ainsi que le placement des points de protection. Il explore aussi les différentes techniques propres à l’escalade artificielle. Une bonne base pour la suite. |
Grandes voies rocheuses / Terrain d’aventure : 6 à 10 jours – Taghia (MAR), Dolomites (ITA)…
Moins de dangers objectifs, des difficultés techniques plus élevées : l’escalade en terrain d’aventure est un bon entrainement pour des courses plus sérieuses. |
Alpinisme estival : 6 à 10 jours – Massif du Mont Blanc, Oisans, Valais (SUI)…
Assurage en mouvement, altitude et grandes courses dans un univers tantôt minéral, tantôt neigeux. |
Glace : 6 à 10 jours – Alpes, Norvège, Canada…
Plus que de la cascade de glace, ce stage aborde les principales facettes du mixte moderne. Dry tooling, glace… Bref, être complet crampons aux pieds et piolets en main ! |
Alpinisme hivernal : 6 à 10 jours – Alpes, Rocheuses canadiennes…
Une sorte de révision générale de tout ce qui a été vu jusqu’à là. La technique, l’engagement …et le froid en plus ! |
Grandes courses : 2 à 4 jours – Alpes
Avec 1 encadrant pour 2 personnes, l’objectif est de réaliser une grande course dans les Alpes. Une fois le projet ciblé, ce sont les conditions météos qui dictent la date. |
Voyage à thème : 3 semaines – Yosemite, Indian Creek…
Généralement consacré aux fissures et aux « big walls » américains, ce voyage permet outre l’acquisition de nouvelles techniques, de découvrir une autre culture de la grimpe et de l’alpinisme. |
L’Expédition
L’objectif est décidé en commun et toute l’équipe est investie dans sa préparation (financement, logistique, cartographie…). On essaye en général d’opter pour des lieux originaux et peu explorés, avec plutôt des objectifs d’ouverture de nouveaux itinéraires.
Lieu : Alaska, Himalaya, Patagonie…
Réalisations marquantes
2009
L’ENJA et l’ENFA deviennent l’Equipe Nationale d’Alpinisme Masculine et l’Equipe Nationale d’Alpinisme Féminine.
2002
Le GHPA devient Equipe Nationale Jeunes Alpinisme
2002
Le Groupe ouvre deux itinéraires de grande ampleur en Alaska : Victor Charon, Alban Faure, Jérémie Ponson et Christophe Moulin réussissent en 10 jours la première ascension du Pilier NE du Mont Bradley (VI/A3+/M6) tandis que Guillaume Avrisani, Yann Bonneville, Cédric Cruaud, Romain Wagner et Paul Robach s’offrent l’un des piliers sud du Mont Dickey jusque là invaincu malgré plusieurs tentatives (VI/A4/6c). De très belles réalisations illustrant le très bon niveau de cette sélection
2001
Un voyage aux USA et à Québec en hiver axé sur la cascade de glace et une première année menée sur les chapeaux de roues avec un groupe de qualité des jeunes très motivés et très techniques…
2000
C’est la période de transition vers une nouvelle formule qui n’est pas encore en place. Les jeunes n’arrivent plus à trouver de l’argent pour partir et la FFME ne peut plus assumer de grosses dépenses pour les expéditions. On part sur des actions plus restreintes mais très enrichissantes et constructives.
Un voyage dans les Tatras en hiver et de multiples réalisations rocheuses sur les parois du Malykechmarsky dans des conditions météo dantesques qui impressionnent les slovaques (il faut le faire non !?) . Le tout en compagnie du célèbre Igor Koller (auteur de la voie des tchèques face ouest des petites Jorasses et de la célèbrissime voie du Poisson à la Marmolada.
Seulement trois du groupe partiront en expédition au Pakistan accompagnés par Bernard Domenech : Yann Delevaux, Mathieu Gervaise et Sébastien Laurent.
Bilan : Pas d’exploits mais beaucoup d’expérience dans leur besace.
1999
Un projet prend forme pour le Pamir Alaï mais les restrictions budgétaires se font sentir. Une opportunité se présente grâce à l’influence de Jean Claude Marmier, de rejoindre le Pakistan et le camp de base de l’UIAA sur place dans le massif de l’Indu Raj
Sur ce séjour, beaucoup de réussites pas connues puisqu’il s’agit d’un massif nouvellement ouvert aux alpinistes et un sentiment de grande expérience accumulée grâce au mélange des nationalités présentes et aux multiples ascensions réalisées.
1997
Expédition au Pérou Huandoy 6122m en autonomie. On trouve dans ce groupe des garçons de grand talent : Daniel Du Lac que l’on ne présente plus, Gaël Bouquet des Chaux, Patrick Berthet (hélas décédé en cascade de glace au Canada), David Jonglez, Ludovic Pin.
Les garçons piétinent dans le début du séjour puis le groupe se scindent en deux. Bilan : une tentative au Huascaran partiellement réussie puis Jérôme Blanc Gras et Yannick Graziani s’offrent en duo la face sud du Huandoy,
Bilan : une belle perf et un « cristal » FFME dans la poche.
1996
Expédition en Alaska au Mt Wake 2775m et Mt Dickey 2909m. Huit garçons en autonomie.
On retrouve là aussi dans le groupe : Emmanuel Pélissier aujourd’hui au GMHM, Manu Lestienne, Antoine Porte, Hervé Dégonon, Mathieu Desprat, Fred Salle, Manu Guy, Eric Mossière. Tous aujourd’hui brillent par leur niveau et leur professionnalisme.
Bilan : une belle réussite avec l’ouverture d’un itinéraire de 2000m dans le Wake et grande réussite sur le plan organisationnel et humain pour ce groupe de jeunes qui s’est pris en charge de A à Z
1992
Une sélection avec quelques garçons qui restent encore très présents et actifs dans l’alpinisme d’aujourd’hui et qui sont devenus de grands professionnels. Pierre Rizzardo, Robin Molinatti , Jean Hannequin , David Ravanel (aujourd’hui professeur à l’ENSA), Jérôme Ruby que l’on ne présente pas, Fred Vimal (qui se tua en tentant la première hivernale solitaire de l’élixir au Grand Capucin), Titi Gentet…
C’est lors de cette sélection du GHPA que l’ensemble du groupe s’était retrouvé en hiver au sommet du petit Dru après avoir gravi cette pointe par toutes les faces… no comment !
Expédition au Tawotche 6542m (Kumbu, Népal) encadrée par Maurice Gicquel – chef du département alpinisme à l’ENSA
Bilan : pas de réussite au sommet mais grande expérience pour les participants.
Expédition aux tours du Paine (Patagonie) et réussite
1991
Expédition au Pamir Alaï (Kirguistan) encadrée par Pierre Faivre guide, cadre technique FFME et réalisation de la plus belle voie rocheuse de cette région «Pérestroïcrack» 900m ED à la Tour Russe 4760m.
1995
Expédition au Cholatse 6440m (Kumbu, Népal) encadrée par Paul Robach un « ancien » du GHPA aujourd’hui professeur à l’ENSA. Les jeunes de l’époque sont eux aussi des acteurs incontestés de l’alpinisme de performance actuel et du grand professionnalisme. Philippe Batoux aujourd’hui professeur à l’ENSA, Christophe Mora qui a réalisé des solos de grande classe dans les Alpes, Rémi Thivel le pyrénéen le plus remarqué par ses actions dans les Alpes et en expédition, Marc Challamel (vainqueur du Camel Trophy), Boris Badaroux (une référence des pilotes – avion et planeur – en France).
Bilan : réussite totale de l’objectif et du sommet, une belle performance.
1994
Expédition au Lobutche 6119m et Kwande 6187m (Kumbu, Népal) encadrée par JF. Hagenmuller – professeur-guide à l’ENSA – avec quelques garçons qui aujourd’hui encore, chacun dans leur domaine, sont représentatifs du haut niveau en France. Alexis Mallon et Paul Robach aujourd’hui tous deux professeurs à l’ENSA, Bruno Ravanat et JF.Mercier grimpeurs de haut niveau, Benoît Robert et Jérôme Thinières des ambassadeurs de la haute performance en alpinisme, cascades de glace, escalade artificielle ainsi que Lionel Daudet en personne…
Bilan :Tous ne sont pas venus à l’expé et un objectif sur deux fût réussi.
1993
Une sélection qui regroupe encore des acteurs de grande classe aujourd’hui dont certains ne l’étaient pas du tout à cette époque : Arnaud Guillaume, Stéphane Benoît, Pascal Chatain, Damien Dournon quelques « redoublants veinards » : Jean Annequin, Titi Gentet, Lionel Daudet, Zébulon Roche
Expédition au Hiunchulli (Kumbu, Népal) quatre garçons en autonomie Pierre Rizzardo et Robin Molinatti toujours eux ! ainsi que Pierre Firmin et Pascal Garzinsky
Bilan : Réussite au sommet pour les deux compères Rizzardo/ Molinatti
Témoignages
Paul ROBACH
Mes souvenirs en vrac : je suis loin d’avoir fait toute la sélection.
- J’ai adoré les deux stages que j’ai pu suivre.
- Je me souviens que c’était la grande vie: les Cosmiques gratos, Power Bar à volonté, la découverte de la montagne à fond avec Alexis Long…
- Le stage hiver était lui aussi top, toujours confortablement encadré (trois guides).
- Une bonne entente, teintée quand même d’un individualisme marqué chez les stagiaires, quand j’y repense
Alban FAURE
Ayant passé deux ans au sein de l’équipe pour ma part cela a été une experience formidable, à tous les niveaux, aussi bien pour l’enrichissement personnel que pour les voyages,la qualité des stages et de ses encadrants.
Pierre RIZZARDO
Arrivé là un peu sans savoir ou je mettais les pieds, J’ai été marqué par les échanges que le groupe a naturellement généré.
Quand on se sent un peu isolé dans son massif, c’est vraiment important !
En fait, certains pyrénéens sont presque fréquentables et des chamoniards peuvent même sous la torture s’intéresser un peu à l’Oisans.
Ces échanges nous aurons aussi permis d’oser des rêves jusque là inespérés.
J’ai retardé mon cursus de guide pour pouvoir faire cette sélection masculine alpiniste
Jérôme BLANC-GRAS
L’équipe nationale où plutôt l' »Équipe Nationale d’Alpinisme Masculine » de mon époque, c’est une bousculade de souvenirs, autant qu’une profonde marque dans mon parcours de grimpeur.
C’est d’abord la rencontre de Yannick, Gaël, Patrick, David, Daniel et Yann (Ghesquiers).
Le mélange de personnalités fortes, parfois à l’opposé les unes des autres, mais suffisamment allumées pour partager sans retenue le fruit défendu de la haute montagne.
C’est aussi le souvenir d’une belle liste de croix dans le massif du Mont Blanc (traversée Rochefort-Jorasses, pilier bonatti aux Drus, pilier du Freney…), et de hors piste endiablé, dans les sous-bois de Courmayeur.
C’est encore une image de profs qui souriaient de nous voir découvrir, maladroits, l’univers de la haute-montagne.
Enfin, c’est le souvenir d’une expé, où plutôt d’un baptême dans la face sud du Huandoy, au Pérou, où j’ai compris avec Yannick ce que les mots engagement et amitié voulaient dire.
C’est tout simplement une flamme qui brûle encore et me rappelle d’où je viens.
Arnaud GUILLAUME
J’ai retardé mon cursus de guide pour pouvoir faire cette Equipe Nationale d’Alpinisme Masculine …
Je l’ai poursuivi par la suite et travail comme guide depuis huit ans sans pour autant perdre l’essence même de l’alpinisme, « l’amateurisme ».
J’ai été reçu dans cette sélection malgré mon âge canonique (24 ans) pour ma liste de courses qui commençait à être conséquente.
M’étant formé tout seul et la plupart du temps en tête de cordée, je me disais que je pouvais avoir de grosses lacunes sur la connaissance générale du milieu montagnard.
Cette sélection pouvait m’apporter tant sur le plan technique que sur le plan « approche de la montagne » grâce à des cadres ayant une bonne expérience.
Rémy THIVEL
Je garde du groupe des jeunes alpinistes le souvenir d’un cursus très formateur à une période personnelle de grande motivation pour la montagne.
Muni d’une dizaine d’années de pratique essentiellement pyrénéenne, j’ai passé l’aspi avant d’intégrer le groupe l’année suivante.
Les stages ont été pour moi l’occasion de parcourir de grands itinéraires que je n’aurais peut-être pas visité autrement car les conditions matérielles et d’encadrement étaient très confortables, presque aseptisées, en tout cas privilégiées.
La plupart d’entre nous étions dans ces années d’insouciance où l’on ne regarde pas beaucoup autour de soi, où l’on se sent invincible et bien peu enclin à une remise en question.
En ce sens, c’est sur le plan humain que l’expérience fut la plus riche : il a fallu apprendre à jongler avec les ambitions de chacun, les affinités, les tensions et gérer une très forte émulation tout en se respectant mutuellement.
Je n’ai pas participé à l’expédition finale car j’ai réalisé à un moment donné que de grimper sous la coupelle d’une fédération avant tout sportive, donc en attente de résultats, ne me convenait pas.
Cependant, s’il se constitue d’ici quelques années un groupe des alpinistes vétérans de niveau moyen, je veux bien m’inscrire parce que sur le terrain, on rigole bien !