La gestion des falaises en Hérault
Le 15 mars 2019
« L’Hérault est un département modèle, qui a su trouver les ressources nécessaires pour assurer la gestion des sites naturels d’escalade en impliquant tous les acteurs, témoigne Jonathan Crison, conseiller technique national. Le Conseil Départemental s’est investi dans le modèle préconisé par la FFME, à savoir la signature de conventions d’autorisation d’usage pour l’escalade avec les propriétaires. Une gestion idéale, dans laquelle la garde juridique est prise en charge par les collectivités, tandis que la fédération, via le comité territorial local reste postée sur son rôle d’expertise technique et d’entretien. »
L’Hérault est une terre d’escalade. Les sites naturels représentent la majorité des sites de pratique et constituent une attraction touristique non négligeable. Il était donc essentiel, tant pour son CT FFME que pour les collectivités locales, de prendre rapidement en main la contractualisation des sites naturels d’escalade telle que préconisée par la FFME.
« Tout a commencé en 2016 avec le courrier de la fédération, qui annonçait une volonté de changer le modèle de gestion des sites naturels d’escalade, explique Patrick Doumas, président du CT 34. J’avoue que ce fut une douche froide pour moi, j’ai eu peur que la FFME ne délaisse les falaises. En Hérault, nous n’avons pas de salle d’escalade, nous pratiquons essentiellement sur falaise. Pour mieux comprendre cette nouvelle direction fédérale, nous nous sommes rendus à la réunion d’information organisée par la FFME, en janvier 2017. Nous y avons saisi l’extrême complexité dans laquelle la fédération se trouvait. Et qu’en effet, elle ne pouvait porter seule cette gestion des falaises françaises. La solution réside bel et bien dans l’implication des acteurs locaux, car ils connaissent leur secteur, le voient évoluer et ont les bons contacts avec collectivités locales, les propriétaires, etc. Cette réunion a eu un effet très positif sur nous. Elle nous a particulièrement motivés à nous organiser en conséquence, car en Hérault, nous voulons des falaises libres et gratuites. C’est notre première motivation. »
Depuis plus d’une vingtaine d’années, le Comité territorial FFME de l’Hérault est impliqué dans la gestion de ses sites naturels d’escalade. Il en est l’interlocuteur privilégié pour les propriétaires de sites (privés ou collectivités territoriales). Dans un objectif d’optimisation du suivi des sites naturels, le CT34 a choisi de s’appuyer sur des clubs locaux affiliés disposant des moyens matériels et humains (équipeurs qualifiés, moniteurs diplômés) pour la réalisation des travaux d’équipement et d’entretien. Ainsi, chaque secteur du département est couvert par un club référent. « C’est un système qui fonctionne bien, poursuit Patrick Doumas. Les clubs jouent vraiment le jeu et deviennent les observateurs, les gestionnaires et les lanceurs d’alerte, qui vont nous faire des retours sur l’état des équipements. »
Raphaël Fourau
Ce suivi « local » des sites permet d’avoir des référents désignés par site, souvent des moniteurs diplômés d’état, à l’instar d’Arno Catzeflis, guide de haute montagne et BEES escalade : « Cette stratégie a permis d’avoir des référents locaux qui maillent le département et qui, en plus de bien connaitre les sites, entretiennent des liens avec les propriétaires et les élus des secteurs concernés. Ce fonctionnement permet également une veille active des équipements, car ces acteurs locaux fréquentent les sites en amateur et/ou en pro. Souvent, ce sont aussi celles ou ceux qui éditent les topos et échangent avec les associations environnementales ou les chargés de mission Natura 2000 du secteur. A l’heure où la maintenance des sites sportifs est devenue un enjeu majeur, ce système associatif nous semble idéal et nous le défendons. Ainsi, chaque site d’escalade possède son club gestionnaire, ce qui permet un suivi dans le temps par des acteurs impliqués. Les cadres et agents des collectivités, aujourd’hui co-gestionnaires des sites et partenaires indispensables du CT, sont également rassurés d’avoir un interlocuteur local identifié à qui s’adresser. »
Moniteur salarié à au club Scalata, Arno Catzeflis est ainsi rémunéré quand il intervient, professionnellement, sur les travaux d’équipement et de rééquipement sur les sites dont le club assure le suivi. « Pour les autres tâches, qui incombent au CT FFME et auxquelles je participe sur la zone où je m’investis, je suis bénévole comme les autres membres du CT . Réunions de travail, conseils auprès des élus ou collectivités, rencontres avec les riverains, signalétiques, entretien des accès, nettoyages, etc. Toutes ces actions sont menées de manière associative. »
Deux nouveaux contrats d’entretien ont ainsi été signés l’année dernière. La fameuse Grotte des demoiselles ainsi que Valflaunès. Un site école, qui appartenait au département. « Ce fut donc plus facile pour nous, qui nourrissons une longue histoire avec notre département. En effet, le Conseil départemental 34 favorise largement les activités comme la notre. Grâce à son Plan de soutien au développement et à la pérennisation des sports de pleine nature, dans lequel l’escalade s’intègre parfaitement, nous avons toujours pu compter sur son soutien financier, même avec l’ancienne formule des conventions. Aussi, quand nous avons présenté le nouveau modèle de contrats, les choses se sont faites assez simplement. Il a, bien évidemment, fallu quelques réunions, mais ils ont validé le modèle. Aujourd’hui, chaque nouveau contrat est décidé et rédigé avec eux. Ils nous supportent vraiment dans ces démarches, ce qui rassure les communautés de communes pour nous soutenir à leur tour. Nous sommes dans un cercle vertueux.»
Pour optimiser son efficacité, le CT FFME 34 a choisi de mettre en place une commission spécialement dédiée à la gestion (ouverture au public, aménagement, entretien..) des nouveaux sites. Une commission qui se réunit, entre autre, deux fois par an avec le Conseil départemental pour faire le point sur les projets et leur état d’avancement. Un dialogue productif s’est établit, ce qui permet au CT FFME de générer 3 à 4 nouveaux contrats d’entretien chaque année avec des enveloppes financières conséquentes.
Aujourd’hui, sept référents locaux se répartissent la trentaine de sites sportifs conventionnés du département, soit environ 2000 voies, au sein de cette commission SNE, et autant de clubs gestionnaires. Les chantiers annuels d’entretien ou de rééquipement sont déterminés en fonction des priorités. Ces sept personnes se relayent ainsi bénévolement pour continuer, tant que possible, à monter de nouveaux contrats ou à déconventionner certains sites. « Nous possédons beaucoup de sites sur l’Hérault et nous n’avons malheureusement pas tous les moyens nécessaires, qu’ils soient financiers ou humains, pour gérer aujourd’hui tout ce potentiel. J’ai pris la décision de déconventionner certains secteurs jugés risqués, confie Patrick Doumas. Aujourd’hui, nous avons quatre sites en cours de contractualisation, dont le gros projet du Thaurac, qui tourne autour des 57 000 euros. A savoir que j’ai fait le choix de ne résilier les anciennes conventions sur un site que lorsque le nouveau modèle de gestion est en place (ouverture au public et contrat d’entretien signé), ça évite de mettre la pression au propriétaire et de risquer des interdictions de grimpe. »
Il reste, en Hérault, encore une vingtaine de sites à contractualiser. Pour chacun, un dossier est monté avec le club gestionnaire, puis porté par le CT à la Communauté de communes ou au Conseil départemental. Le versement des subventions attribuées à l’équipement ou au rééquipement du site sont alors versées au CT, sur un compte bancaire spécialement dédié à ce fonctionnement, puis reversé à la personne impliquée dans l’entretien du site.
« En fait l’équipement d’une voie n’est que le sommet de l’iceberg. Même si c’est une tâche technique, qui requiert des compétences fines et engendre des responsabilités certaines, c’est parfois loin d’être la plus complexe. Les recherches de financements, les autorisations d’usage et d’accès et les contrats d’entretien, les relations avec les propriétaires, le montage des dossiers et les aspects juridiques ou administratifs, tout cela se fait de manière bénévole, le CT 34 n’ayant pas de salarié missionné aux SNE. Il est évident que depuis 2017, la contractualisation des sites d’escalade par les collectivités territoriales a engendré une nette augmentation de ce travail administratif », assure Arno Catzeflis.
Raphaël Fourau
Le CT 34 cherche aujourd’hui ses financements à travers les licenciés, en lançant des campagnes de communication auprès des grimpeurs. « Ce sont eux qui possèdent la solution, conclut Patrick Doumas. Ils doivent prendre conscience qu’en se licenciant, ils soutiennent la fédération et ses comités territoriaux pour l’entretien des sites. De notre côté, nous nous professionnalisons bénévolement. Mais il faut avouer qu’un poste de chargé de mission sur le sujet serait justifié. »