Stages alpinisme pour le club Escalagou (34)
Le 19 septembre 2021
Par le club Escalagou
Retour sur les stages estivaux du club Escalagou. Stages qui s’inscrivent dans le parcours de formation montagne mis en place par le club avec le soutien de la FFME (Lauréat AAP développement des multi-activités).
Le club a d’abord organisé trois journées écoles d’alpinisme au mois de juin. Ces journées ont rassemblé à chaque fois six participants et les sessions se sont déroulés à Saint Jean de Buège, sur le Thaurac et dans le Caroux, trois super spots de l’Hérault !
Le contenu de ces journées était le même à chaque fois à savoir : grandes voies en terrain d’aventure, cheminement sur arête rocheuse et désescalade encordée.
Val d’Aoste
Le stage alpinisme n°1 a rassemblé trois participants en Val d’Aoste (Italie). Un stage un peu chamboulé par une météo compliquée mais qui a tenu toutes ses promesses pour le plus grand bonheur des participants.
Au menu, l’arête des aiguilles Marbrées, le Breithorn, l’arête de l’aiguille d’Entrève et de superbes grandes voies en Valgrisenche.
Le récit complet
Récit par Jean-Baptiste BEIS, Club Escalagou
Dimanche 11 juillet : le faux départ à Chamonix
Ce devait être le jour J. L’équipe composée de Tony, Simon, Marc et Jean-Baptiste avait prévu de se retrouver à 17h pour retrouver Hugues Bonnel (guide de haute montagne et moniteur d’alpinisme) sur Chamonix… Mais les prévisions météo sont vraiment mauvaises pour le début de semaine. Notre plan A sur les aiguilles dorées semble compromis. Déception, annulation et surtout recherche d’un plan B !
Mardi 13 juillet : le (vrai) départ en Val d’Aoste !
Il n’aura pas fallu très longtemps à Hugues pour imaginer de nouveaux projets. La météo semble nous laisser des créneaux à partir de mercredi. Nous décidons donc de décaler notre stage du mercredi au samedi. Et nous commençons à appréhender le maître mot de ce séjour en montagne : adaptation ! Malheureusement, Marc est contraint par des obligations professionnelles et renonce à suivre ce nouveau programme. Nous partons donc à 3 rejoindre Hugues en Val d’Asote (Italie) où nous arrivons à 19h avec l’intention de débuter dès le lendemain par une petite course d’entraiment. Nous sommes chaleureusement accueillis par toute la famille Bonnel, dans la petite vallée sauvage du Valgrisenche. Venus à deux voitures aménagées, nous dormons sur un petit parking en bord de forêt, excités par le programme qui nous attend.
Mercredi 14 juillet : Cocorico au sommet des Marbrées (3535m)
Toutes les affaires étaient préparées la veille. Départ du camp à 5h30 pour rejoindre Courmayeur pour monter avec la première rotation de benne jusqu’au refuge Torino. Malgré un ciel encore un peu gris et couvert, nous profitons d’une vue spectaculaire sur ce versant Italien du Monte Bianco. Hugues profite de la montée pour nous faire découvrir quelques itinéraires de légende (comme l’intégrale de Peuterey, les grandes Jorasses…). Arrivés en haut, nous nous équipons rapidement pour la traversée du glacier du Géant : encordement long, crampons, bonnet et gant. Nous visualisons notre objectif du jour : la traversées N>S des aiguilles Marbrées. En moins d’une heure de marche d’approche nous voilà au pied de l’arête. Nous réorganisons le matériel, visualisons l’itinéraire et à 8h15 nos deux cordées Hugues-Simon et Tony-JB attaquent l’ascension. Le parcours jusqu’au sommet de l’aiguille Nord se révèle assez facile, même avec les crampons aux pieds. Photo rapide au sommet, où d’autres cordées commencent à arriver, puis nous reprenons le fil de l’arête direction l’aiguille Sud. Le parcours alterne de courtes désescalades, de brefs contournements, et quelques pas aériens. Une seule longueur en 4sup requiert un peu plus de temps car il faut utiliser le piolet pour déneiger les prises. A 12h, avec un bon rythme, nous attaquons le dernier rappel au pied de l’aiguille Sud. De retour sur le glacier, et avant que la météo ne se gâte à nouveau, nous profitons d’une rupture de pente bien neigeuse pour faire un atelier secours crevasse : ancrage, mouflage, marineur double… chacun de nous 3 exécute la manip. Le temps change et à peine terminée la bataille de boule de neige que le vent et le grésil se charge de nous rappeler qu’il est temps de revenir au Skyway. Nous finirons la journée en Valgrisenche sur quelques longueurs de couenne en bord de route.
Jeudi 15 juillet : Sur la route du Breithorn, ça pourrait être pire non ?
La météo ne nous permettra pas de remonter sur le massif du Mont Blanc ce jeudi. Hugues n’étant jamais à court d’idée, et nous de motivation, nous démarrons à 4h30 pour nous diriger vers le Val Tournenche à Cervinia, avec la ferme intention de monter au Breithorn (4165m). Arrivés à 6h30 à la benne, nous constatons que le ciel est encore bien bouché, la pluie tombe, la benne ne tourne même pas. Nous nous installons dans un petit café en attendant confirmation d’un créneau météo (qui indique des éclaircies à partir de 9h). Préparation carto pour une navigation par visibilité nulle… l’ambiance est pleine de doute. A 7h30 nous décidons quand même de faire confiance aux prévisions et de tenter le coup. Arrivés au refuge des guides du Cervin (3480m), la visibilité est très mauvaise et le vent assez fort. Sans trainer nous enfilons les crampons pour remonter les pistes de ski jusqu’au col. A 11h, à 3800m juste sous le Klein Matterhorn, il y a encore beaucoup de vent, pas d’éclaircies en vue et nous ne croisons pratiquement personne à part quelques alpinistes sortant de nulle part nous confiant dans un anglais très facile à comprendre « No GPS, no chance ». Alors on temporise à l’abri d’une petite cabane de pisteur. Hugues en profite pour nous expliquer les méthodes de prise de décision dans ce type de situation – la méthode TECAP (Timing, Etat, Conditions, Adaptation, Plaisir) … On attend désespérément que le voile nuageux se dissipe…le timing devient serré. A 12h, nous prenons la décision de renoncer. La suite nous donne raison puisque le ciel ne se sera jamais éclairci. En redescendant, nous croisons quelques séracs en bord de piste sur lesquels nous nous défoulons avec un atelier école de glace (piolet traction, broches, abalakov…). Un bon moment entre potes, nous faisons contre mauvaise fortune bon coeur. Retour en Valgrisenche où nous finissons sur une falaise à travailler les techniques de remonter sur corde. On rigole fort, sans doute pour évacuer la déception du matin, mais avec le recul, cette journée aura été vraiment très riche en enseignements techniques. Nous finirons dans un bon restaurant avant le retour au bivouac.
Vendredi 16 juillet : Grimper goutte que goutte (il Barone Rosso)
Au réveil la pluie continue de tomber. Pas de haute montagne aujourd’hui. Mais après quelques ristretto, voyant le soleil revenir en vallée, nous décidons de nous lancer dans une belle journée grandes voies dans le secteur Nid d’hirondelles, Valgrisenche (un petit bijou pour les grimpeurs !). Les voies sont encore humides au départ, mais sèchent très rapidement en face sud. Nous voilà dans un dièdre fissuré très agréable à grimper (5+/6a) sur lequel nous plaçons des friends pour jouer. Après 150m d’escalade, nous redescendons à moitié pour tester une variante plus dure en 6a+. Après 3 heures de grimpe, nous voilà bien échauffés et prêts à attaquer la voie Il Barone Rosso. Cette magnifique ligne de 250m alterne dièdre, toit, fissure, dalle, sur un granit parfait et avec une belle ambiance gazeuse. On pourra constater aux visages souriants des participants, que ce plan B est largement à la hauteur de nos espérances. Nous terminerons la journée sur un autre secteur de couenne où une fissure en 7a était vraiment trop tentante…pour ceux à qui il restait des bras !
Samedi 17 juillet : Comme des choucas à Entrève
On l’avait bien attendue cette journée où la prévision météo annonce un grand beau sur le mont Blanc. D’ailleurs, on s’en aperçoit vite vu le monde présent dans la benne de 7h qui nous monte à nouveau au refuge Torino. Notre itinéraire avait été parfaitement repéré la veille sur carte. Dès notre sortie de la cabine, les crampons sont vite enfilés, les cordes nouées et notre objectif est clairement de presser le pas pour être parmi les premiers sur l’arête de l’aiguille d’Entrève. La marche d’approche (~1h) se déroule sur une bonne neige et les crevasses sont bien visibles. Au col d’Entrève, nous nous équipons rapidement pour nous projeter instantanément dans une ambiance aérienne magnifique avec une visibilité parfaite qui nous permet d’admirer tout le panorama (de l’aiguille du midi à la Dent du Géant, du mont Blanc au mont Rose). Il y a tout de même un peu de monde devant et derrière nous. Crampons au pied, nous alternons de bref pas d’escalade puis de désescalade sans difficultés, avec un très bon rythme et une coordination qui démontre que ce stage nous a clairement fait acquérir de très bonnes bases. La traversée est enchaînée en 3h et vers 12h nous sommes déjà sur le chemin du retour. Pour s’amuser on fait une nouvelle trace, ce qui aura valu une dernière petite frayeur à Simon, à moitié enfoncé à travers un pont de neige foireux, au-dessus d’une grande crevasse. Pas de bobo, on en rigole se souvenant de notre atelier secours crevasse du premier jour. On remonte aux bennes à un rythme effréné, sourire éclatant pour tous.
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C’est la fin de ce stage. Nous partageons un dernier caffe i focaccia en esquissant déjà nos projets pour la saison prochaine. Un immense merci à Hugues pour sa ténacité, sa bonne humeur, sa disponibilité et sa pédagogie admirable.
Vanoise
Le stage alpinisme n°2 a rassemblé quatre participants en Vanoise. Un stage intense et spectaculaire, 5 jours-5 courses !
Les participants se sont régalés malgré l’intensité physique du programme : Le Dôme des glaciers, des grandes voies engagées, la grande Glière, l’aiguille de la Vanoise…
Le récit complet
Récit par Jean-Philippe ASTIER, Club Escalagou
C’est en Vanoise que s’est déroulé le dernier stage de l’équipe montagne d’Escalagou. Au programme : 5 jours, 5 courses ! synthétisant le cursus de formation des stagiaires durant la saison sportive 2020/2021.
Jour 1 : l’échauffement
Montée au refuge Robert Blanc à partir des Chapieux pour une répétition des gammes en grande voie « cuistot d’un jour ».
Jour 2 : le Dôme des Glaciers
Dôme des Glaciers, par l’arête des Lanchettes et col des Glaciers. Une course d’arête, un finish et descente sur le Glacier des Glaciers (+1100m, -1800m). Mise en oeuvre de la cordée autonome, progression serrée sur l’arête avec mise en pratique de gestes techniques : assurage sur béquet et descente sur le glacier corde tendue.
Lever à 4h retour aux Chapieux à 13h et sans transition direction Pralognan en Vanoise pour la suite du périple.
Arrivée à 16h au parking des Fontanelles à Pralognan en Vanoise ou nous prenons le dernier télésiège, direction le refuge des Barmettes.
Jour 3 : la Journée de transition avant la grande course de la semaine
Direction le lac des vaches puis plein sud pour s’attaquer à « la balade des Marmottons », grande voie d’escalade de 10 longueurs, 250m, dans le 4sup/5. Une première pour la plupart des participants. La voie est bien équipée, elle suit un magnifique dièdre pour sortir sur la fin des arêtes de l’aiguille de la Vanoise. Un rocher magnifique, le terrain idéal pour prendre confiance dans l’escalade en tête, des relais confortables, nous sommes en face nord et l’ombre est la bienvenue dans la fenêtre météo estivale du jour. Le finish sur l’arête apporte son lot d’émotion et de satisfaction après 3h30 d’effort. Descente par un rappel de 15m puis par une sente herbeuse jusqu’au refuge du col de la Vanoise (ex refuge Felix Faure).
Jour 4 : la grosse course de la semaine : le sommet de la grande Glière
Certains la compare au Cervin…. Pourquoi pas ? En tout cas cette course concentre les compétences essentielles de l’alpinisme moderne : étude d’itinéraire, plusieurs points décisionnels, rocher, neige, glace, arête, escalade tout y est. La météo est idéale. Départ à la frontale à 4h48 du refuge du col de la Vanoise, nous longeons le lac long avant de gravir la moraine inférieure du glacier de la Grande Casse. Nous chaussons les crampons pour accéder au col des Schistes. C’est un terrain très hétérogène, nous traversons des névés ainsi que des sols schisteux très instables. Nous sommes dans les temps annoncés par le topo.
A partir du col des schistes débute une longue course d’arête facile mais toujours en cherchant le meilleur itinéraire. 1h30 plus tard nous chaussons à nouveau les crampons pour traverser le glacier sud de la Glière. La progression est rapide, peu de pente pour accéder au col de la Glière à 3159m. La fonte du glacier ne permet plus à s’engager aisément dans la partie finale de la course et une progression délicate nous attend pour accéder à l’arête finale.
L’arête finale : +240m, difficile de s’imaginer le cheminement tant cette arête parait déchiquetée, raide et irrégulière. Le cheminement se fait mètre par mètre où dièdre, vires et cheminées se succèdent. Nous sommes tous très concentrés, assurant nos appuis dans des portions parfois très instables. Le sommet est atteint en 6h. Le temps de se ravitailler, de prendre une photo et nous entamons la descente au plus vite pour ne pas perdre en concentration. Les regards de certains témoignent d’une certaine appréhension. Comment redescendre cette arête si raide à la montée ? Sans rappels, sans (ou peu) de points d’assurage ? Les cordées sont remaniées et nous descendons prudemment. Etonnamment les prises se révèlent facilement lors de cette descente, la navigation et l’itinéraire ne sont pas évidents et nécessitent une bonne mémorisation du cheminement lors de la montée.
La descente par le glacier est magnifique et rapide, nous enchainons des portions rocheuses dans lesquelles des chaines facilitent la progression. Le finish par une sente herbeuse raide nous ramène au lac des vaches puis au refuge. Les jambes et les organismes sont touchés, nous décidons d’aller prendre un bain au lac long à 600m du refuge.
Jour 5 : une fin en apothéose sur l’arête de l’aiguille de la Vanoise dans le sens est/ouest
Une course d’arête « unique au monde » offre un panorama somptueux et un parcours très aérien. Le vent souffle en ce vendredi matin, ce qui ajoute davantage d’émotion au départ de la course. La progression n’est pas difficile mais nécessite une très grande attention sur la pose des appuis. L’arête est parfois saillante et ne permet pas de progresser sur le fil. Le passage « aileron de requin » porte bien son nom. L’assurage des cordées se fait essentiellement par le passage de corde dans des béquets et nécessite une bonne anticipation du moindre déséquilibre de son coéquipier.
La descente se fait dans une pente herbeuse bien raide.
Un grand merci à Hugues Bonnel guide de haute montagne pour sa disponibilité et sa grande générosité dans la transmission de ses connaissances.
Un grand merci à Leslie et Bastien aspirants DE escalade pour nous avoir accompagnés.
Un grand merci à la FFME pour la confiance dans notre projet de développement de la multi activités.
Tout ce programme de l’année a été orchestré d’une main de maître par Hugues Bonnel, Guide de haute montagne et formateur. Un immense merci à lui !
Finalement, le club a largement tenu le programme initial, et c’est une réelle satisfaction compte tenu des difficultés de cette année.
L’année prochaine, le programme de la section montagne continue, peut-être avec de nouveaux participants.
Le bilan est aussi positif d’un point de vue formation, puisque les grimpeurs de la section montagne ont tous développé des compétences transversales et des techniques montagne très solides. Nous espérons, au terme de la saison prochaine, convertir tout ce contenu en validation de passeports et diplôme d’initiateur alpinisme.